Investir pour les réfugiés et ceux qui les accueillent : un impératif de développement

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Il y a aujourd’hui dans le monde davantage de réfugiés qu’à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Près de 26 millions de personnes ont été déplacées de force et ont dû fuir leur pays pour échapper à la fragilité, aux conflits et à la violence.

Cette semaine, le Forum mondial sur les réfugiés a mis en lumière ce que les grands titres des journaux oublient souvent de dire, à savoir que 85 % des réfugiés dans le monde se trouvent dans des pays en développement et que les trois quarts le sont toujours au bout de cinq ans . Ces déracinements qui se prolongent peuvent avoir des effets dévastateurs.

Tous les réfugiés, et particulièrement les femmes, sont exposés à des risques plus élevés de violence et d’exploitation. Ceux qui cherchent un emploi n’ont souvent que peu de chances d’en trouver et peuvent être contraints de travailler illégalement ou dans des conditions dangereuses. En outre, parce qu’ils sont privés des bénéfices d’une bonne santé, de l’éducation et de la stabilité, les enfants réfugiés risquent de former une « génération perdue », privée de compétences productives et de perspectives d’emploi.

C’est précisément pour répondre aux besoins de santé et d’éducation à long terme des réfugiés et favoriser leur accès à des emplois et des débouchés que les actionnaires de la Banque mondiale nous appellent à nous investir davantage dans la question des déplacements forcés. Les investissements dans le développement s’inscrivent en effet dans le temps long et viennent compléter la réponse humanitaire immédiate, contribuant ainsi à limiter les effets délétères des déplacements prolongés. Par ailleurs, une telle démarche est cohérente avec l’aide au développement des communautés d’accueil, lesquelles réclament souvent des interventions globales, tenant compte de leurs propres besoins comme de ceux des réfugiés.

La Banque mondiale intensifie par conséquent depuis plusieurs années son soutien dans ce domaine, en réponse à l’aggravation de la crise mondiale provoquée par la hausse des déplacements forcés. Lors du Forum mondial sur les réfugiés, j’ai eu l’occasion d’annoncer l’établissement d’un dispositif de financement dédié aux réfugiés et aux communautés d’accueil, au titre de la 19e reconstitution des ressources de l’IDA (IDA-19). Doté de 2,2 milliards de dollars pour les trois prochaines années, il s’inscrit dans la continuité d’une précédente enveloppe de 2 milliards mise en place dans le cadre d’IDA-18.

Ce guichet constitue la principale source de financements de l’IDA pour les réfugiés et les communautés d’accueil, mais il s’accompagnera d’un milliard de dollars supplémentaires provenant d’autres ressources, dont notamment l’enveloppe allouée aux pays en situation de fragilité, de conflit et de violence, qui a été multipliée par deux pour atteindre 14 milliards de dollars au cours d’IDA-18. Celle-ci a été portée à 18,7 milliards de dollars au titre d’IDA-19, sachant par ailleurs que ces pays devraient également bénéficier d’une part importante des 2,5 milliards de dollars qui seront alloués dans le cadre d’un nouveau dispositif de financement destiné à dynamiser le secteur privé et à créer des emplois.

De plus, le Mécanisme mondial de financement concessionnel (GCFF), mis en place par la Banque mondiale pour venir en aide aux pays à revenu intermédiaire accueillant un grand nombre de réfugiés, a également augmenté ses financements. Les dons accordés à ces pays ont ainsi doublé au cours de la même période, passant de 160 à 320 millions de dollars.

Outre l’aide directe apportée aux réfugiés et aux communautés d’accueil, la Banque mondiale entend réduire les facteurs qui poussent les populations à quitter leur foyer pour trouver refuge ailleurs, en s’attachant à remédier aux causes sous-jacentes de la fragilité et des conflits. Les financements prévus au titre d’IDA-19 porteront sur des domaines qui exigent un effort de long terme :

  • l’éducation – parce que la moitié des réfugiés sont des enfants et qu’il faut à tout prix éviter que cette crise n’engendre une « génération perdue » ;
  • l’emploi –parce que c’est la clé de l’autonomie et de la dignité, à la fois pour les communautés d’accueil et les réfugiés qui vivent souvent dans des régions isolées ;
  • la condition féminine – parce qu’un grand nombre de femmes et de filles réfugiées subissent des épreuves tragiques ;
  • la prévention et l’anticipation – parce que c’est indispensable pour réduire ces crises et mieux les gérer ;
  • les données et le suivi – parce que c’est en nous fondant sur des éléments probants que nous pouvons veiller à ce que nos interventions touchent effectivement les populations ciblées et qu’elles débouchent sur les résultats attendus. Afin de mieux mesurer les effets de l’afflux de réfugiés sur les populations d’accueil et guider ainsi notre action, nous avons mis en place avec le HCR un nouveau centre conjoint de données sur les déplacements forcés (a).

Ce soutien renforcé traduit notre volonté d’assumer une responsabilité partagée et de veiller à faire notre part de travail pour répondre aux besoins à long terme des réfugiés. Il reflète également le fait que, plus largement, la Banque mondiale a conscience que son objectif de mettre fin à l’extrême pauvreté la conduira à mettre en œuvre davantage d’opérations dans des situations de fragilité, de conflit et de violence. En effet, d’ici à 2030, on estime que près de la moitié des personnes en situation d’extrême pauvreté dans le monde vivront dans ces environnements, et c’est vers ces populations que seront dirigés les financements de la Banque mondiale .

La Banque mondiale s’investit déjà plus activement dans l’appui aux réfugiés et aux communautés dans le cadre de sa mission de développement. Elle a évolué afin de faire face aux conflits et à la fragilité avant, pendant et après les crises, et pour assurer soutien et inclusion aux plus pauvres et aux plus vulnérables. En outre, ce soutien vise à compléter l’action humanitaire et à s’attaquer aux dimensions économiques et sociales à moyen terme de la crise.

La première stratégie du Groupe de la Banque mondiale en matière de fragilité, conflit et violence, qui devrait être finalisée début 2020, systématisera notre engagement institutionnel en faveur de ces enjeux à travers l’ensemble des leviers dont nous disposons : financements, dialogue sur l’action à mener, analyses, changements opérationnels et partenariats. La priorité que nous accordons à la situation des réfugiés, des communautés d’accueil et des populations vulnérables dans les pays fragiles est appelée à durer.

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